Lyon

Un rayon de soleil perce les nuages, ricochant sur l’éclat de tes yeux, inondant ta peau de bitume et de pavés….

Bonjour toi,

Excuse-moi, je ne t’ai pas vu te lever ce matin, j’étais trop occupé à parler éternité avec Morphée. Mais j’ai perdu le débat, il a bien fallu que je me soulève. Il faut que je me réveille, que je te rattrape, je ne sais pas comment tu fais, tu te lèves toujours avant moi. Je vais prendre une douche. Tu as pris la tienne hier j’ai vu, ça te rajeunit. Non, je ne dirais pas que tu retrouves l’éclat de ta jeunesse, mais je te préfère toujours au naturel, en tout cas plus que quand tu te tartines de tout ce maquillage tapageur là, début décembre.

Ah, un rayon de soleil perce les nuages, ricochant sur l’éclat de tes yeux, inondant ta peau de bitume et de pavés. Tu cherches à me tenter, pour que je vienne te caresser un peu. Attends, faut que je te parle un instant. Hier soir, samedi, tu te souviens? Je me suis allongé sur ta peau, un peu rêche c’est vrai, un peu dure, mais cela fait si longtemps que nous partageons tout, que je ne m’en rends plus compte. Et on était là tranquille tous les deux. Je te regardais, écoutant d’une oreille ton babil, mélange sourd de moteur, d’oiseaux matinaux et de célébrations alcoolisées, tandis que mes yeux roulaient sereinement sur tes hanches. Une cigarette aux lèvres, tu me berçais doucement de ta chanson sans fin. Et puis soudain, tu t’es mise à crier, à te rendre insupportable; ce n’est pas la première fois que ça t’arrive, et c’est pourquoi, je me décide enfin à t’écrire.

Écoute, je t’aime, j’ai choisi de vivre et de partager mes jours avec toi, mais il y a des choses que je ne peux pas supporter. Pourquoi ne peux-tu pas éteindre les lumières la nuit? Ça m’empêche de dormir. Tu me répondras que tu dors peu, je sais. Mais d’ailleurs, j’aimerais que tu arrêtes de te comparer sans cesse à mon ex qui soi-disant « ne dors jamais ». Et puis autre chose puisqu’on y est, tu parles tout le temps. Bien sûr, j’adore me promener avec toi, passer ma main sur ta tête d’or, m’étendre le long de ton corps quand il fait beau. Mais je t’en prie, fais un effort pour être agréable de temps en temps. Même quand tu te tais, quand je colle mon visage dans tes cheveux tendres, au bord d’un lac qui t’appartient, j’entends tes pensées. Il y a des enfants, des poussettes ,des vélos, des vendeurs de glaces, des éléphants et même des girafes! Mais c’est effarant, tout ce à quoi tu penses!! Et encore, quand j’écoute ton cœur battre, à part Dieu, il n’y a rien d’aussi puissant: c’est une vraie locomotive, un tintamarre permanent. Tu me fatigues…

Ce n’est pas que je n’ai pas envie de te faire l’amour. Mais c’est vrai, nous nous sommes habitués l’un à l’autre. Au début, nous nous sommes tombés dessus, comme qui dirait. Avec ta gorge de loup et et tes airs de grand opéra, j’ai eu envie de toi tout de suite. Oui, je t’ai fait une belle cour, la vie est devenue libre et sans souci et mon plaisir a grandi au creux de tes gratte-ciels. Mais tu as raison. Aujourd’hui, je passe plus de temps à t’effleurer du bout des doigts; parce je suis là, parce que nous vivons ensemble, qu’à vraiment profiter de tes richesses et de ta beauté. Je te connais par cœur, tu sais. Tes deux collines dressées en pointes viennent toujours réveiller mon être comme une cloche dans une cathédrale, tandis que tes jambes immenses et souples viennent m’enserrer dans ton étreinte… Je te mentirai si je te disais que ton contact me laisse indifférent. J’aime te parcourir, effleurer chaque veine que je sens frémir sous ton épiderme, pénétrer comme un roi en République les avenues de ton corps…Oui. Mais excuse-moi mon amour… je te connais par cœur. Si seulement, tu pouvais te taire de temps en temps, si seulement tu pouvais prendre un peu soin de toi, et pas seulement là où tu penses que je vais poser les yeux. Je suis désolé, mais tu te négliges. Parfois -je suis désolé d’être si dur, mais parfois -excuse-moi encore- parfois, tu fais un peu la pute. Tu te fais belle pour aguicher le touriste mais tu caches ton herpès et tes dessous honteux. Tu te teins en blonde quand je te crois rousse, croyant être un terreau fertile pour qui viendra te chauffer au printemps. Mais tu es malade ma chérie, tu es malade et tu ne te soignes pas. Tu caches. Tu me fais chier. Sincèrement, je t’aime mais tu m’énerves.

Il est midi maintenant. Je te regarde. Tu t’agites partout, tes veines se gonflent… Tu es belle quand même, va. Oui je sais, je m’emporte. Je ne t’ai pas vu te lever c’est tout, ça m’agace. Je vais aller te dire bonjour quand même. Même ton hypocrisie de petite bourgeoise opportuniste est charmante. Tu fais un peu nouveau riche tu sais, te parant de tes plus beaux atours pour rivaliser avec les autres: certaines ont une rivière de diamant? Tu en auras deux. Certains offrent un ballon de foot à leurs enfants? Tu offriras deux stades, quitte à te ruiner et ne plus pouvoir les nourrir par la suite, tes pauvres gônes. Tu es fière, conquérante. Bon, c’est aussi pour ça que tu me plais. Oui, j’arrive. Je viens me couler dans tes bras, dans ta chaleur, si tu veux bien être un peu chaude pour moi. Oui, ça aussi, je l’ai pas dit: ta froideur. J’ai envie de te le reprocher parce que tu me hérisses les poils, à être glaciale comme ça la moitié du temps. Tu te fais attendre, chaque année, tu attends le dernier moment pour relever ta jupe et me laisser t’admirer un peu.

J’ai envie de t’en vouloir pour ça aussi, mais ma colère tombe comme le jour au dehors.

Il est huit heures. Il fait nuit à nouveau, et je n’ai plus envie de t’engueuler. Tu es comme tu es, c’est tout. Et malgré tout, je préfère faire avec que sans toi. Allez, il est temps de sortir, d’aller te parcourir de toutes parts, encore une fois. Je viens m’envelopper dans tes bras sans nombre, espérant y puiser un peu de chaleur, en me saoulant de ton parfum… Qu’il en soit donc ainsi, puisque moi non plus, sans tes lumières, je ne peux pas dormir.


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