Moi, objet

Je sens la fin venir. Mais j’aime ma vie d’aujourd’hui, je ne veux pas en changer, même si je sens que je n’existe que pour ce moment-là . Faut que je vous dise, depuis que je suis ici, je fais déco, un peu provoc’…

J’attire le regard des gens qui passent par ici, j’invite, par ma simple présence… Oh, pas question de me dévêtir avant l’heure, ça casserait le mythe. Et tant mieux d’ailleurs, je n’ai pas envie de mourir trop tôt. C’est vrai que pour lui, je suis un mythe, il m’adore et me déteste à la fois. En fait, il ne peut pas se passer de moi. Que je disparaisse un jour solitaire ou une nuit sans lune, et il ne s’en aperçoit même pas. Mais si monsieur a décidé d’allumer les bougies et l’encens, là… je suis vitale. Et je sens que, papillon de nuit, mon destin se scelle ce soir. Si je pouvais disparaître sous le lit, il s’inquiéterait, s’angoisserait, se sentirait si démuni. Ah…nous avons une relation amour-haine tous les deux, c’est ce qui fait que c’est passionné entre nous…Mais sans lui, je n’ai pas de but dans la vie. Je sais ce qu’il fera le moment venu: quand il aura besoin de moi, d’un coup, il sera frénétique, me prendra et déchirera violemment mes oripeaux sur le bord du lit. Et là, peau contre peau, nous ferons l’amour, collés l’un à l’autre. Je le protégerai. Mais je sens bien que je suis là par défaut. Dès qu’il pourra me jeter, il le fera sans hésitation. Et comme une fleur fanée, j’irai rejoindre mes sœurs, dans le tombeau des sacrifiées d’un soir.

---

AUTRES MINI NOUVELLES